Série,
« Mes ombres » 2004, 2005, photos 21 x 29,7 cm, impression sur
transparents collés sur calques
Mes
cadres jouent avec la lumière et me révèlent à l’envers de leur corps,
dans un jaillissement de couleur et de lumière, une infinité d’ombres
portées qui donnent un écho vibratoire à l’œuvre, une sorte de double,
un autre mode d’identification. Selon les textes sémiotiques, de Pierce
« l’ombre est cet indice qui entretient une liaison de contiguïté avec
la forme qui l’engendre ».
L’ombre est rattachée à un corps, c’est au creux de ce rattachement
intime, entre la prolongation du corps et de son ombre que je me suis
en premier lieu cadrée. Je fis entrer dans le cadre le hors-cadre.
L’ombre semble être la présence d’une absence et par-delà un frein à
l’oubli, la mémoire d’un corps, image de la présence.
Une présence éphémère, soumise à la lumière, qui se densifie suivant la
position du soleil, et se perd dans son élongation et tout comme voiler
et dévoiler elle joue avec cette notion d’apparition et disparition.
C’est dans la quête
de l’instant à capter l’éphémère, l’intangible, à découvrir la
flottaison ou l’ancrage des signes d’ombres que je recherche une autre
écriture de la matière.
Subitement la part de l’ombre prenait une extrême importance, et je ne
voyais plus qu’elle. La force de sa présence était la preuve, d’un don
de matière et manière de présence d’un décèlement furtif lié à mon
travail.
Dans le
passage de la matière picturale, à la matière ombre, il s’est posé la
question aussi paradoxale que cela puisse paraître comment l’ombre
impalpable peut-elle être matière… ?
L’ombre
œuvre dans une double adhérence, celle à l’objet et celle sur laquelle
elle se pose dont elle nous renseigne la forme et la surface.
L’ombre
se colle sur tout support et empreinte de façon éphémère la parure de la
matière empruntée. Un principe d’homochromie où l’ombre épouse la
matière sur laquelle elle se pose et prend son aspect et corps, c’est
une ombre tactile. En quittant cette matière elle devient plus légère et
l’ombre devient évanescente.
Mes
matières tendues comme des peaux laissent pénétrer la lumière et filtrer
des images d’ombres, fragments métaphoriques, présence de matière et
d’écriture d’un corps absent.
Il est
vrai qu’il y a toujours un appel au référent de la photographie et la
disparition des signes dont la photographie est porteuse semble donner
une part juste de mystère et d’interrogation, mais pas d’effroi. C’est
donc dans l’oubli du référent et son abandon, que je poursuis ma quête
et c’est dans cette perte qu’il m’est donné à voir une émergence, un
gain de signes, signes évacués de leur sens, un dessin d’ombres.
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